La tristesse est indéfinissable. Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi, je pleurs en y repensant. J'ai essayé pendant toutes ces années à oublier, à penser que tout ira mieux. Mais le mal persiste. Elle me manque. Elle était pour moi la pureté, la beauté, la joie, l'amour. Elle avait une âme aussi pure que l'eau d'une rivière. Parfois je me sens si mal de ce que j'ai fait, qu'elle me regarde de la haut et que je l'a déçois. La culpabilité m'envahit, je ne dois pas être une mauvaise personne, car elle ne serait pas fière de moi.

Je ne suis pas celle qu'on croit, je ne suis pas si forte que l'on croit. Cette surestimation me fait si mal. J'ai cette peur de faire mal, je le fais pour que l'on soit fier de moi. Elle reviendra peut-être un jour et là elle verra la personne que je suis devenue, je dois travailler, me donner, faire tout pour les autres. Je n'ai jamais fait son deuil. C'est vrai on m'avait dit qu'elle était partie dans les nuages pour un long voyage, mais moi j'attends toujours qu'elle revienne.

Pour mon bien, je le sais, je n'ai jamais assisté à l'enterrement. Et quand on a 6 ans, on a cette image un peu magique de la mort. J'avais tout compris. Mais vous ne m'avez jamais expliqué pourquoi. Je voyais les gens pleurer mais je ne comprenais pas pourquoi, car c'est vrai elle allait revenir ma grand-maman, car elle était si gentille que Dieu ne pouvait pas lui enlever la vie. Pas à elle.

Je l'attendais, elle n'est jamais revenue. Elle n'était pas cette grand-mère qui offre juste des cadeaux à ses petits-enfants à Noël. Elle m'a donné plus d'amour que personne ne m'en a jamais donné. Tous les week-ends, on allait chez elle, c'était dans un petit coin dans l'Est de la France, on allait y retrouver mes cousines et mes cousins, que je considérais un peu comme mes frères et sœurs. On jouait dans le jardin, sous l’œil protecteur de nos parents. La vie là-bas était simple, on aidait nos parents à jardiner, pendant que les hommes allaient à la chasse, les femmes discutaient et nous surveillaient. On était fier de nos pères quand ils rentraient avec une biche ou un sanglier. J'ai parfois l'impression que ces moments n'ont jamais existés, que ceci n'est qu'un beau rêve. Il y avait cette fontaine gigantesque pour moi. Cette forêt ou on allait se cacher lorsqu'on avait fait une bêtise. Cette cour d'école ou on jouait à la marelle et ou où courrait les uns après les autres.

Je l'ai vu. Elle était très mal, couchée sur ce lit en hauteur, toute ma famille (ma grand-mère avait eu 8 enfants avec ma mère) autour d'elle et moi je me demandais ce qui lui arrivait. Je me souviens de pleurs, de cris et que ma grande cousine m'a sorti de la maison les larmes aux yeux. J'avais tout compris. Mais on ne m'a jamais rien expliqué. Toutes mes peurs se sont transformées en une profonde angoisse dont je n'ai jamais su me défaire. Je les ai vus se déchirer pour une photo d'elle. Elle était le soleil de cette maison. J'ai vu la discorde, la méchanceté, les disputes de ma famille devant mes yeux pour un simple canapé. La distance et le temps. Je n'ai maintenant que mes parents et mon frère.

On m'a demandé d'être forte et grande, d'intérioriser mes sentiments, mais je n'avais que 6 ans.

Cette colère au fond de mon cœur que j'éprouve pour elle, de nous avoir abandonner, d'être partie. Mais n'ayant jamais fait son deuil, j'ai cette impression permanente qu'elle va revenir et qu'elle nous réunira tous. Qu'on revivra dans cette maison ne vivant plus que dans mon imagination. De pouvoir lui montrer ce que je suis, ce que je suis devenue. Qu'elle me prenne dans ces bras et qu'elle me regarde avec cette bonté dans le regard que j'admirais tant chez elle.

Elle était pour moi aussi importante que ma mère et mon père. J'ai perdu une partie de moi-même lorsqu'elle est morte.